Retour sur les bancs de l’école avec “Les grands esprits”, premier long métrage d’Olivier Ayache-Vidal, qui signe une fiction très documentée sur un collège de banlieue, dans lequel Denis Podalydès va être muté. Rencontre avec l’équipe.
AlloCiné : Quelle est la genèse de ce projet qui a nécessité une longue immersion en milieu scolaire?
Olivier Ayache-Vidal, réalisateur : L’idée de base est venue de mes producteurs qui m’ont demandé “est-ce que ça t’intéresserait d’écrire un film qui raconterait l’histoire d’un prof de lycée d’un milieu bourgeois qui irait en banlieue” ?. Ca m’a immédiatement intéressé parce que j’y ai vu la possibilité d’aller me documenter et d’aller vraiment passer du temps, retourner sur les bancs de l’école puisque j’avais une expérience de journaliste et de reporter. Je me suis dit que ça allait vraiment être passionnant de pouvoir faire cette expérience. Je suis allé me documenter, voir dans les lycées, et j’ai découvert petit à petit que c’était au collège que c’était le plus explosif. D’où le fait que souvent les films d’éducation se passent au collège. C’est les ados et c’est explosif !
(…) Je suis allé au collège qui s’appelait à l’époque Maurice Thorez dans la cité du Clos Saint Lazare.(…) J’ai commencé à aller en cours, voir les conseils de classe, et j’ai suivi une année scolaire, j’ai fait toute l’année, plus une autre année. Pendant tout ce temps, j’étais en classe à l’arrière des cours. J’allais en conseil de classe, en conseil de discipline, en voyage scolaire, en salle de prof évidemment.
D’aller en salle des profs, j’avais l’impression d’être en backstage, comme d’aller derrière des coulisses de théâtre !
Pour moi, la première fois que je suis rentré en salle des profs, c’était formidable ! J’avais l’impression d’être en backstage, comme d’aller derrière des coulisses de théâtre. “C’est là que ça se passe !” Quand on est enfant, on n’a pas le droit de rentrer en salle des profs. Et puis après j’étais dans mon élément et j’allais dans différents cours. (…) J’ai pu écrire le scénario petit à petit. C’était réjouissant. J’ai pu l’écrire en entendant ce qu’il se passe, en allant à la cantine avec les profs, en en parlant tout le temps, en lisant beaucoup d’ouvrages sur l’éducation, la pédagogie… Faire en sorte que ce film soit une fiction la plus documentée possible et que tous les professionnels de l’éducation s’y retrouvent, qu’ils n’aient pas l’impression que j’ai raconté n’importe quoi.
Et vous êtes ensuite resté dans le même collège pour tourner votre film…
C’était très important pour moi de tourner dans le décor où j’avais fait mon immersion. (…) J’ai fait un casting depuis les élèves de 5ème jusqu’en 3ème, les 6èmes étaient trop jeunes pour constituer une classe grosso modo de 4ème. Je connaissais bien les élèves, je les connaissais depuis la 6ème. (…) C’était très important pour moi de ne pas aller chercher d’autres élèves, à droite, à gauche. Il n’y avait aucune raison en fait. Eux-mêmes avaient énormément de talent donc ça aurait été idiot. Pourquoi aller chercher d’autres élèves dans d’autres collèges ?
En revanche, pour le rôle principal, pour Abdoulaye, je l’ai montré aux producteurs. Ils m’ont dit : “oui, c’est bien, mais cherche quand même plus ; c’est quand même bizarre que d’un seul coup, tu trouves quelqu’un d’aussi formidable dans le collège”. Abdoulaye passe dans plein d’émotions, toute une palette et ça c’est plus compliqué. Il fallait vraiment montrer beaucoup de choses, donc c’était un peu exceptionnel de le trouver là. J’ai quand même été dans différents collèges de Stains. Mais je n’ai trouvé personne de mieux qu’Abdoulaye. J’en suis ravi.
C’est marrant parce qu’il avait une forme d’inconscience. Pour n’importe quel acteur, de dire “tu vas jouer avec Denis Podalydès…” C’est “je vais m’entrainer encore un petit peu !”. Et pour lui, c’était “bah ouais, Denis Podalydès…” Il ne connaissait pas du tout sa carrière de théatre, par contre il connaissait Neuilly sa mère ! Quand je suis arrivé avec Denis au collège, les gens étaient “c’est lui qui a joué dans Neuilly sa mère” ! C’était trop drôle car c’est une toute petite partie de sa carrière. Il était populaire à ce niveau là !
Abdoulaye, est-ce que tu connaissais Denis Podalydès avant de tourner ce film ?
Abdoulaye Diallo : Non, je ne connaissais pas son nom.
Denis Podalydès : Mais si tu regardais toutes mes pièces ! Il m’adorait complètement, il avait des posters ! De grands posters de moi jusqu’au plafond… (rires) Mais non, pas du tout ! Tu avais vu Neuilly sa mère…
A.D. : Au tout début, je ne le connaissais pas. Quand on m’a dit qu’il avait fait Neuilly, j’ai dit lequel !
Etre tout comme un prof, dans la fréquentation quotidienne, et passer par toutes les états
D.P. : Mais c’est ça qui était bien, il avait vu un film comme ça. Il fallait inventer, créer une relation. Moi ce qui me plaisait aussi, c’était, pendant un mois, pas prendre la place du prof, mais être tout comme un prof, dans la fréquentation quotidienne, et passer par toutes les états, même les états de fatigue, de lassitude, de colère et d’affronter ça. Trouver les moyens de les rencontrer vraiment. A travers cette relation, voir ce qui allait se passer, qu’est-ce qui pouvait se transmettre, de moi à eux, d’eux à moi, notamment avec Abdoulaye avec qui j’avais des scènes assez dures, intenses, émotionnellement assez fortes. Il fallait se trouver comme partenaires de jeu. On a bossé !
Autour de Denis Podalydès, il y a beaucoup de nouveaux visages, des comédiens que l’on avait pas forcément encore eu l’occasion de voir au cinéma…
Olivier Ayache-Vidal : Je ne voulais pas du tout, qu’à Stains, les acteurs soient identifiés. Je voulais vraiment des nouvelles têtes, pour plein de raisons. Je pense que c’est important pour le spectateur, pas que pour ce film-là, de découvrir de nouveaux visages talentueux, comme Pauline Huruguen, Alexis Moncorgé, des acteurs de théâtre… C’était important pour le scénario. Je me suis un peu battu pour ça et après j’ai fait un casting et ça a très rapide, évident, il n’y a pas besoin de faire énormément de tests pour voir si ça correspond au personnage.
Je suis assez fier que ce soit le premier long métrage de 80 % de l’équipe : c’est mon premier film, mais aussi celui d’Alexis Moncorgé, qui avait eu un Molière de la révélation au théâtre, de Pauline Huruguen, Marie Rémond, d’Abdoualye évidemment et de tous les enfants.
Avez-vous déjà un autre projet de long métrage ?
Olivier Ayache-Vidal : Oui, j’ai déjà un autre projet avec mes producteurs. Je pense que ce sera également une fiction documentée. Parce que j’ai eu autant de plaisir à rester plus de 2 ans dans le collège en observation, à écrire le scénario, que de tourner le film. Le plaisir d’observer, c’est génial, et en plus il n’y a pas de pression. C’est très agréable d’observer, de s’alimenter, de découvrir. Pour ce prochain projet, je serai en immersion dans un autre environnement pour également ne pas trahir les gens qui connaissent ce milieu. En tant que spectateur, j’ai besoin de voir des choses crédibles, justes. C’est le mix entre le travail de journaliste et d’auteur de fiction.
La bande-annonce des Grands esprits :
Les Grands Esprits Bande-annonce VF
Click Here: NRL Telstra Premiership
0 thoughts on “Les grands esprits : “Le film reflète la réalité de notre classe””