Algérie : “Il y a une vraie bataille de l’information qui est en cours”, affirme le président de Reporters sans frontières

Une dizaine de journalistes ont été interpellés dans la matinée, jeudi 28 février, en Algérie, alors qu’ils participaient à un rassemblement contre la censure. Tous ont été libérés dans la journée. Ils dénoncent des pressions subies par la profession. Le pouvoir algérien aurait-il peur que les médias parlent de la contestation qui vise Abdelaziz Bouteflika ? Pour Pierre Haski, président de Reporters sans frontières, invité de franceinfo : “Il y a une vraie bataille de l’information qui est en cours en ce moment en Algérie”.franceinfo : Cette mobilisation des journalistes est elle exceptionnelle ?Pierre Haski : Ce qui est incroyable dans ce qui se passe depuis bientôt une semaine, c’est cette mobilisation des journalistes. Dès le début, on a vu des journalistes réclamer, que ce soit sur le service public ou dans le privé, la liberté d’informer de ce qui se passe dans le pays. Cette mobilisation des journalistes quel que soit le statut de leurs rédactions était quelque chose de très nouveau et quelque chose de très important dans le contexte politique de l’Algérie d’aujourd’hui. C’est cela qui est en jeu : cette capacité que peuvent avoir les journalistes algériens à rendre compte sur ce qui se passe. Vendredi dernier [22 février], le jour où les premières manifestations ont eu lieu, les chaînes du service public ont fait un black-out sur ces événements. Il y a une vraie bataille de l’information qui est en cours en ce moment.On peut comprendre de manière évidente les pressions au sein d’un service public exercées par le pouvoir. Ça peut être valable aussi pour des chaines privées. Il y a d’autres intérêts en jeu, c’est ce qui explique leur présence ce matin ?Il y a des enjeux différents selon le public ou le privé, mais l’objectif est le même. C’est ce qui intéressant aujourd’hui, c’est de voir les journalistes quel que soit le statut de leur média, vouloir la même chose. Il y a eu, dès vendredi dernier [22 février], un manifeste signé par les journalistes des chaînes de radios et de télévisions publiques disant : nous sommes des médias de service public et non pas des médias d’État. Cette nuance est fondamentale. Dans un pays comme l’Algérie, qui a une forte tradition étatique avec une emprise du parti FLN, c’est une nuance que les journalistes veulent faire accepter et comprendre à leurs dirigeants. Évidemment, cette manifestation avait pour but d’unifier les demandes à la fois du public et du privé. Elle s’est terminée au poste mais elle s’est terminée malgré tout sans violence excessive et c’est plutôt encourageant.Est-ce qu’on doit s’attendre à un effet Streisand, c’est-à-dire qu’à trop vouloir étouffer cette petite manifestation, on finit par en parler toute la journée sur les réseaux sociaux ?Ce que disent les journalistes algériens est très important. Ils essaient de dire à leurs dirigeants : laissez-nous faire notre métier parce que si ce n’est pas nous qui le faisons, l’information circulera de toutes les manières, et cela, sans être traitée par des professionnels et avec toutes les rumeurs et manipulations possible.
On voit bien qu’il y a un réveil de toute la société. On a eu des manifestations d’avocats, d’étudiants et de professeurs. Les journalistes sont une des composantes centrale de toute la société qui vit dans cette zone grise entre contrôle et liberté. Aujourd’hui, elle veut pousser les frontières de la liberté plus loin. Le pays ne donne pas de visas à des journalistes étrangers. Le gouvernement algérien devrait réfléchir à cette question. Ce serait dans l’intérêt de l’Algérie aujourd’hui. Laisser entrer la presse et laisser travailler ses propres journalistes. Ceci dit, on est au début seulement d’une histoire qui n’est pas écrite.

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