Malgré les sommes parfois astronomiques injectées par les studios pour leurs films, il arrive que la sanction au Box Office soit absolument dévastatrice. Au point de couler les entreprises qui les ont créés. Voici trois exemples.
Il arrive régulièrement qu’Hollywood mutile voire tue les films, aidé en cela par des producteurs pas franchement respectueux des oeuvres. Dans ce triste tableau de chasse figurent de sacrés films. Le chef-d’oeuvre maudit La Porte du Paradis de Michael Cimino par exemple, désastre financier qui plomba le reste de la carrière du cinéaste même s’il pu se remettre brièvement en selle avec L’année du dragon.
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Le western Pat Garrett & Billy The Kid, sabordé par le patron de la MGM de l’époque, James Aubrey, face à un Sam Peckinpah plus cabochard que jamais. Qui finira par lâcher : “ces eunuques émotionnels de la MGM ont enlevé dans leur montage toute la personnalité de mon film en essayant de ne garder que les tirs. Ca ne marchait pas”.
Et comment ne pas citer, entre autre exemple, le charcutage en règle que fit le producteur Arnon Milchan sur la version américaine du film testament de Sergio Leone, le fabuleux Il était une fois en Amérique ? Le résultat, critique et commercial, fut un désastre. Non seulement le film fut réduit de moitié, mais tout fut replacé dans l’ordre chronologique, ce qui dénatura complètement l’oeuvre, car c’est aussi ce qui en faisait sa force. Leone en fut logiquement profondément déprimé.
Et puis il y a, face à cela, des oeuvres parfois portées à bout de bras par les studios, qui n’hésitent pas à injecter des sommes astronomiques dans une entreprise toujours périlleuse, sur toute la chaîne de création, de la naissance d’un idée ou concept jusqu’à la projection du film devant un public.
Ce ne sont pas les centaines de millions de dollars dépensés en frais de marketing par les studios qui diront le contraire. Car le succès, malgré ces sommes parfois pharaoniques, n’est pas toujours au rendez-vous. Surtout si l’on considère à titre d’exemple que, pour une oeuvre ayant coûté 100 millions $ à produire, il faut que le seuil de rentabilité soit au minimum 2 à 2,5 fois équivalent au budget de production.
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Dans cette perspective, voici trois exemples de films ayant tellement sous performé au Box Office qu’ils ont fini par carrément emporter les studios qui les ont fait. Si d’aventure le sujet vous intéresse suffisamment, la porte reste ouverte à d’autres exemples, car ils ne manquent pas.
L’étoffe des héros
Après la conquête de l’Ouest, celle des étoiles… L’Etoffe des héros donne une dimension mythique, légendaire à la dernière grande conquête, et à ceux qui y ont participé. Une épopée magistrale signée par Philipp Kaufmann, couronnée par 4 Oscars en 1984, et portée par ses têtes brûlées qui se nomment Ed Harris (John Glenn), Sam Shepard (Chuck Yeager), Scott Glenn (Alan Shepard), Dennis Quaid (Gordon Cooper), Fred Ward (Gus Grissom) ou encore Jeff Goldblum.
Riche de nombreuses images d’archive, L’Etoffe des héros plonge le spectateur dans une lutte scientifique aussi bien qu’idéologique, jalonnée de miracles scientifiques et de tragédies humaines. Largement devenu depuis sa sortie un classique absolu du cinéma américain, c’est une fresque spectaculaire et captivante, sans jamais se départir d’une vraie puissance émotionnelle, amplifiée par l’inoubliable partition de Bill Conti. Bref, une merveille.
Les planètes semblaient, au moins sur le papier, suffisamment alignées pour faire un carton en salle… Et c’est l’inverse qui s’est produit : un désastre absolu. Produit pour 27 millions de dollars, il n’en a pas rapporté plus de 21 millions à l’international. Certes, le film fait 3h10, ce qui limitait de facto le nombre de séances. Et il avait en face de lui des oeuvres plutôt solides sorties au même moment, comme Dead Zone de David Cronenberg ou Under Fire de Roger Spottiswoode. Il n’empêche.
L’Etoffe des héros fut produit par The Ladd Company; société fondée par Alan Ladd Jr. en 1979, après la fin de son travail en tant que président de la 20th Century Fox. C’est elle qui fut derrière les productions des Chariots de feu, Blade Runner (gros échec là aussi…), La Fièvre au corps ou encore l’excellent film de SF signé Peter Hyams, Outland. Des oeuvres distribuées par Warner Bros., en vertu d’un accord.
Plombée par une série de gros échecs, L’Etoffe des héros fut le coup de grâce pour la société. Elle mettra plus d’une dizaine d’année à s’en remettre, d’autant que Warner Bros. mis fin à son accord pour distribuer ses films, la contraignant à se tourner vers de nouveaux partenaires.
Connaissant un très bref regain de vitalité au milieu des années 1990 grâce à Paramount et Miramax Films dans les années 2000, The Ladd Company a été liquidée en 2007. Sa séparation d’avec Warner Bros. fut vraiment l’estocade dont elle ne s’est jamais remise.
La Vie est belle
Totem cinématographique de Noël depuis des décennies diffusé chaque année ou presque aux Etats-Unis, La Vie est belle de Frank Capra est sans doute l’oeuvre qui incarne et célèbre le plus cet esprit de Noël, au point de figurer d’ailleurs parmi les films préférés des Américains.
Une oeuvre en tout point admirable, profondément émouvante, qui s’ouvre par la tentative de suicide de son héros principal. Un homme qui fait aussi le sacrifice de sa vie au bénéfice de tous les autres. Qui sacrifie ses études, ses envies de voyager dans le monde, tous ses rêves d’explorateur… Pour au final demeurer l’explorateur de sa ville.
Mais c’est un bâtisseur de ville, -la sienne- avec ses logements bon marché pour les défavorisés et les plus pauvres. Lui qui se rêvait être un visiteur du monde est en fait un bâtisseur de monde qui s’ignore. Une métaphore absolument sublime, extraordinaire, dont la force du propos est intacte et même plus que jamais d’actualité, 76 ans après sa sortie.
Cela paraît difficile à croire, mais le film n’a pas toujours été autant considéré; loin de là même. La Vie est belle, distribué par la RKO, fut le premier film produit par Liberty Films; une société fondée en 1945 par les légendaires Franck Capra, David Tannenbaum, William Wyler , Samuel J. Briskin, qui déboursa 2,3 millions de dollars. Une très grosse somme pour l’époque, surtout si on l’ajuste à l’inflation actuelle : cela correspond à plus de 36 millions de dollars.
Initialement programmée en janvier 1947, la sortie du film fut avancée à décembre 1946, afin qu’il puisse concourir lors de la 19e cérémonie des Oscars l’année suivante. Très tièdement accueilli par la critique, il fut plombé par sa carrière en salle, ne rapportant que 3,3 millions $, à la 26e place des sorties. Il fit même perdre 525.000 $ à la RKO. Une véritable catastrophe pour le quatuor fondateur de Liberty Films, qui prévoyait de produire environ une quinzaine de films.
Les quatre associés cherchèrent un studio à qui vendre Liberty Films afin d’échapper à la saisie immobilière de l’entreprise. C’est la Paramount qui acheta la société, en mai 1947. ils reçurent un total de 3.450.000 $, tandis que Capra, Wyler et Stevens se virent offrir un contrat pour cinq films à la Paramount.
Liberty Films fut officiellement dissoute en avril 1951. Triste fin quand même pour une aventure qui s’annonçait pourtant sous les meilleurs auspices avec une telle oeuvre. Même les cinq citations aux Oscars, dont ceux du Meilleur film et Meilleur réalisateur, ne purent rien faire face au destin contrarié de cette société.
L’île aux pirates
Avec un budget de production s’élevant à 115 millions de dollars pour à peine 10 petit millions de dollars de recettes sur le territoire américain (18 millions si l’on considère le box office international), L’île aux pirates est notoirement et tristement connu pour être un des pires échecs au box office américain, voisinant avec les bides tout aussi colossaux de La Porte du Paradis évoqué plus haut, et le 13e guerrier de John McTiernan. Il fit perdre à sa société de production, Carolco Pictures, 97 millions $, soit, rapporté à l’inflation, plus de 195 millions de dollars actuels…
L’aventure partait pourtant avec de bonnes intentions : conçu comme un Tentpole Movie, L’île aux Pirates devait rallumer la flamme du Swashbuckler; un terme anglo-saxon désignant les films de capes et d’épée et de pirates, à la manière de ses glorieux ancêtres que furent Capitaine Blood et autre Corsaire rouge.
Mais le film de Renny Harlin a eu l’effet inverse de celui escompté : il a tué le genre pendant près d’une dizaine d’années, jusqu’à l’arrivée d’un certain Pirates des Caraïbes. Le souvenir de l’échec de L’île aux pirates fut si cuisant qu’il hanta Disney, au point même que ses dirigeants tentèrent de débrancher le projet alors que le film était en phase de pré-production. “Un film de pirates ? “La pire idée qui puisse être !” se rappelait d’ailleurs Gore Verbinski, dans une passionnante (et longue) interview publiée sur le site Collider en mars 2021.
L’île aux pirates a connu de nombreux problèmes, notamment le retrait de Michael Douglas et la reprise de son rôle par Matthew Modine. De véritables voiliers en bois incroyablement coûteux ont été construits puis reconstruits. Du budget initial de 60 millions $, l’enveloppe flamba rapidement pour atteindre 100 puis 115 millions $.
Il a aussi durablement plombé la carrière de sa tête d’affiche, l’actrice Geena Davis, qui était à l’époque madame Harlin à la ville, et avait également monté pour l’occasion sa propre société de production pour ce film. Elle mettra des années à remonter la pente. Et encore, à la marge.
Le film a détruit Carolco Pictures, fondée par deux fameux investisseurs du cinéma, Mario Kassar et Andrew Vajna, en 1976. C’est elle qui avait notamment acheté les droits de la franchise Terminator, engageant à nouveau James Cameron et Arnold Schwarzenegger pour réaliser et interpréter Terminator 2 : Le Jugement dernier.
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Elle avait également assuré la production d’oeuvres comme Angel Heart, Cliffhanger : Traque au sommet, The Doors, Total Recall, Chaplin, Basic Instinct. Un très beau tableau de chasse effacé d’un coup de torchon par la mésaventure de L’île aux pirates. Carolco a disparu en 1996, après avoir vendu ses actifs à la Twentieth Century Fox pour 50 millions $. Et dire que le film devait justement être celui de la dernière chance pour la société, déjà en proie à de graves problèmes de trésorerie…
Dans une douloureuse ironie en effet, la société avait longtemps tergiversé sur un autre projet, qui lui coûta des millions de dollars en préproduction, et n’a jamais abouti. Le fameux film sur les croisades sur lequel travaillait Paul Verhoeven avec Arnold Schwarzenegger dès 1994, qui s’annonçait pourtant extraordinaire.
Effrayé par l’aspect sulfureux de son sujet et aussi parce qu’elle avait largement surestimé ses capacités financières pour produire un tel film, Carolco Pictures préféra mettre tous ses oeufs dans autre panier jugé moins risqué, L’île aux pirates…
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